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Writer's pictureCarelle et Yves Irakoze

Carnet d’un retour au pays natal (2ème partie)



Cette fois-ci, c’est la bonne. Après plusieurs tentatives vaines pendant sept ans, Carelle pose ses valises à Bujumbura. Officiellement, elle rentre pour le mariage plus un séjour de 5 semaines. Elle est loin de s’imaginer qu’elle s’embarque dans une aventure de deux ans où il sera question de doutes, de tourments (à cause des doutes) et d’improvisation (malgré les doutes).


Yves : On n'aurait pas dit un mariage. On aurait dit une équation à plusieurs inconnues. À quatre semaines de l’évènement, plusieurs questions sur la salle de réception, le mariage civil ou encore la bénédiction nuptiale étaient encore sans réponse. En ce début du mois de décembre 2020, pourtant, la grande inconnue était de savoir si elle aurait l’autorisation de son employeur lui permettant le retour au pays.


C’est à cette étape de l’aventure que je découvre une facette de Carelle que je n’avais guère soupçonné jusque-là. Sa capacité à évaluer une situation compliquée avec sérénité et, sans autre forme de procès, de choisir l’option la plus difficile et la plus risquée parce que la plus raisonnable. Je ne sais s’il y a un mot pour définir cela.


Je me souviens encore de ce jour où nous avons abordé le sujet alors que la date prévue pour son voyage pour le Burundi approchait à grands pas. Le soleil se levait sur Bujumbura alors qu’il s’était couché depuis bien longtemps sur Toronto. Carelle venait de m’informer d’un entretien avec son superviseur à propos de son séjour au Burundi. Je décide de lui poser la question qui me taraude : “Imaginons qu’elle ne t’accorde pas la permission ou qu’elle t’accorde moins des 4 semaines que tu demandes. Qu’est-ce que tu fais ?”. Et là, du tac au tac : “Je pense que je rends ma démission”. Je suis bouche bée. Je le suis encore plus tard lorsqu’elle m’annonce qu’elle est allée dans la réunion en question avec sa lettre de démission bien prête.


Finalement, il y aura plus de peur que de mal. Elle obtient gain de cause. Voire plus.


Carelle : Le plan initial, négocié avec ma hiérarchie, était de passer sept semaines au Burundi. Et pourtant, au terme de cette période, je savais que je n’étais pas prête pour repartir. Pour être honnête, ce moment, je l’avais anticipé.


Quelque temps auparavant, j’avais lu un blog qui parlait d’une jeune mariée qui avait dû retourner à l’étranger seule en laissant son époux au pays. À son arrivée, elle a vite compris qu’elle n’était pas prête pour cette séparation. Moi non plus. La mélancolique que je suis aurait sans doute mal vécu ces moments.

Nous venions de vivre notre relation amoureuse à distance et ce n’était pas chose facile. Malgré notre amour l’un pour l’autre, la distance se méfie bien du temps. Elle crée une incertitude qui pèse sur les moments qui se succèdent sans l’un aux côtés de l’autre.


À toutes les personnes qui ont vécu et qui vivent ça, Yambii, courage! (J’espère que) ça en vaut la peine.


Février 2021, des mesures de protection contre le covid sont prises. Toute personne qui rentre au Canada doit se confiner dans un hôtel à un prix qui n’a toujours aucun sens selon moi. Bonne ou mauvaise nouvelle, je ne sais plus. Toujours est-il que la nouvelle tombe quelques jours avant ma date de retour.

Je demande alors et obtiens une prolongation de séjour d’un mois pour rester au pays. Sauf que. Depuis un mois, nous vivons dans une propriété que l’on a louée initialement pour une période d'un mois. À défaut de trouver une salle de réception, nous avions loué pour un mois une maison de passage suffisamment spacieuse pour abriter toutes les cérémonies de notre mariage en petit comité.


Notre maison de passage a également le mérite d’être relativement chère. Passée la période des fêtes, nous optons donc pour le déménagement vers une autre maison de passage plus petite et moins chère. Encore faut-il trouver une telle maison... en une semaine. Autant dire un parcours du combattant dans le Bujumbura de l’immobilier.


Depuis mon retour au Burundi, j’ai l’impression que ma vie file à 1000 km/h. Malgré cela, chaque fois que je pense à retourner au Canada, une larme m’échappe.


Yves : Responsabilité ! Ça doit être le mot que je cherchais tantôt. Cette faculté à disposer librement de sa vie et de porter les conséquences de ses propres choix sans jamais blâmer personne. Lorsque, comme Carelle, l’on a quitté son pays à dix-neuf ans et que l’on a connu les hauts et les bas de sa vie d’adulte en parfaite solitude, la responsabilité relève plus de l’instinct de survie que de la vertu. Pendant toute cette période de transition et son lot d’incertitudes, il était clair qu’elle n’allait pas chercher très loin les ressources pour rester maître de son destin.


Et puis, l’heure du choix a sonné. L’Outre-Atlantique et ses promesses d’une vie meilleure mais ponctuée de solitude. La mère patrie et ses défauts mais parmi les siens. À défaut de trancher définitivement, il a fallu reformuler la question. Il ne s’agissait plus de savoir si Carelle retourne au Canada ou si elle reste au Burundi. Il s’agissait désormais de trouver un équilibre, d’identifier les questions qui rendent irréfutables un retour à l’étranger ou qui rendent acceptable une vie au pays.


Nous avons donc trouvé un compromis.


Carelle : Après plusieurs discussions avec Yves, nos familles, quelques ami.es proches, c’est décidé : je reste au pays. Je reste mais je sais que mon travail peut s’arrêter à tout moment. Je reste, mais cette fois-ci, moi et lui sommes ensemble pour faire bloc. Et surtout, je reste et j’ai confiance en Dieu (plus un plan B).


Ensuite, vient le moment fatidique où il faut annoncer la nouvelle à mes colocataires. L’angoisse que j’ai eue, les prières que j’ai faites, seul Dieu et Yves le sauront vraiment. Je dois aussi communiquer la nouvelle au bureau. Passé le moment de surprise, on me laisse travailler jusqu’à la fin de mon contrat. On va même pousser la générosité jusqu’à m’accorder un mois de plus après la fin de mon contrat. Peut-être que mes supérieurs espèrent que je vais changer d’avis.


Pour rester au pays, il a fallu improviser. Ma décision de rester au pays signe la fin de deux mois de séjour dans les maisons de passage. Désormais, il faut chercher une maison de location et la meubler. Nous accueillons régulièrement des visiteurs dans notre petite maison aux meubles modestes et au décor quasi-absent. On vit au rythme du pays et je cherche à prendre le rythme, mon rythme.

Yves : Lorsque Carelle décide de rester au pays, la question de son emploi est au cœur de toutes nos angoisses. Elle est également au cœur du compromis qui finira par s’imposer et dont les termes sont les suivants. Carelle passera 6 mois d’essai au cours desquels elle sera à la recherche du travail et au cours desquels je serai le seul à travailler. Si l’aventure s’avère fructueuse, elle prolonge son séjour. Sinon…


Toujours est-il que, après 5 mois de travail à distance depuis le Burundi, le contrat de Carelle prend fin le 28 mai 2021. La veille, elle avait passé un entretien d’embauche. Il débouchera sur une offre d’emploi.


Je ne crois pas aux coïncidences. Je ne dirais pas que c’est Dieu qui a fait tout ça (s’Il existe, Il ne se définit pas que par Ses bienfaits). Mais ça m’étonnerait énormément que ça ne soit pas Lui (puisqu’Il existe, et qu’Il se définit également par Ses bienfaits).


N’ijwi ryuzuye urukundo,


Yves et Carelle Irakoze


Pic credit: Photo by Manhi


12 Comments


Alliance samuragwa
Alliance samuragwa
Dec 29, 2023

Amazing!!❤️🤟🏼

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Irakoze
Irakoze
Jan 02
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Thank you! 💖

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mberincuti1
Dec 19, 2023

Braves, Rebelles, Matures, aventuriers, Sensés, fous...Divins, Humains.... Forts, Vulnérables n'ibindi ntashoboye gutorera qualifications yavyo, Vous êtes une histoire à raconter !


Harabe RUKUNDO n'Urukundo mu Bantu !

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Irakoze
Irakoze
Jan 02
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Iryo rikaba ijambo! Urakoze cane Mberincuti 💖

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kayobekirabura
Dec 11, 2023

Wait no, I wanted to read more

I kept scrolling and scrolling, didnt realize i was at the end of the page

Faites moi une suite, que s'est-il passé après? Im hooked 😂

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Irakoze
Irakoze
Jan 02
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Kayobe Kirabura, nukuri that was supposed to be end of the story😂

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louismarienindo
Dec 11, 2023

Imana ikaba iriho, namwe mukaba muyemera, murabandanya muyisenga. Izokwama ishakana ahayo, urukundo mufise kandi mufitanye rushishikare rukora ibisigaye 💞

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Irakoze
Irakoze
Jan 02
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Louis marie, Mercii beaucoup na Amina! 💖

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Ingabire Marina
Ingabire Marina
Dec 10, 2023

I love love love love love love it...! L'histoire....le style d'écriture très raffiné...c'est beau ...très beau.

Bisous les gens.

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Irakoze
Irakoze
Jan 02
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💖 Mercii beaucoup Marina!!

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